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Les alternances politiques ont-elles un effet sur la croissance ? Quelle forme de coalition serait préférable d’un strict point de vue économique ? Alors que les tambouilles politiques s’éternisent pour bâtir une alliance et proposer un nom pour Matignon, l’économiste Vincent Pons, professeur à la Harvard Business School et lauréat du prix du meilleur jeune économiste en 2023, décortique la séquence récente.

L’Express : Vous avez analysé des milliers d’élections sur des décennies et sur tous les continents. Quelles conséquences sur la croissance tirez-vous des alternances politiques ?

Vincent Pons : Effectivement, nous avons collecté avec d’autres chercheurs les résultats des élections présidentielles et législatives du monde entier depuis 1945. Puis nous avons comparé les performances économiques du pays dans les années qui suivent l’élection, lorsque le parti sortant est resté au pouvoir, à celles réalisées lorsque le parti sortant a été battu par l’opposition.

En moyenne, ces transitions électorales sont plutôt bénéfiques pour l’économie. Les échanges commerciaux avec d’autres pays sont plus forts, l’inflation et le taux chômage plus faibles, des réformes sont lancées et même les indicateurs sur la qualité de la démocratie, comme le niveau de corruption, s’améliorent. Historiquement, les alternances électorales sont donc plutôt une bonne chose pour les pays dans lesquels elles ont lieu. Ce résultat est rassurant, puisque ces alternances sont une composante centrale de ce qui fait une démocratie : c’est l’une des différences clés entre des vraies démocraties et des démocraties de surface, dans lesquelles le même individu ou le même parti sont réélus de scrutin en scrutin.

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Dans le cas de la France aujourd’hui, cette alternance politique, c’est aussi un saut dans l’inconnu puisqu’il n’y a pas de majorité absolue à l’Assemblée. Un gouvernement technique serait-il préférable pour l’économie ?

Trois options sont aujourd’hui possibles. Une coalition fermement ancrée à gauche dont le centre de gravité serait le Nouveau Front populaire, une coalition allant de la gauche aux Républicains, qui ressemblerait à la “Grande coalition” qui a rassemblé le SPD et la CDU en Allemagne de 2005 à 2009 puis de 2013 à 2017, et un gouvernement plus technique. Sur le plan de la pure gestion, un gouvernement technique, composé d’experts, pourrait rassurer les marchés financiers et donc limiter le taux d’intérêt payé par l’Etat sur la dette souveraine. C’est ce qui s’est passé en Italie, avec les gouvernements techniques de Mario Monti en 2011 et de Marco Draghi en 2021. Mais, revers de la médaille, ce choix risquerait d’alimenter le discours anti-élite.

En Italie, le dernier gouvernement d’experts est tombé pour laisser la place à une coalition dominée par le parti d’extrême droite de Giorgia Meloni, le seul à avoir refusé de soutenir ce gouvernement. Un gouvernement d’experts peut donc sembler satisfaisant sur le court terme mais c’est à mon sens un piège démocratique, surtout lorsque les élections sont marquées par la défaite du parti au pouvoir. En France, rappelons que les candidats de la coalition gouvernementale “Ensemble pour la République” n’ont obtenu que 20 % des suffrages au premier tour, soit 6 points de moins qu’en 2022 et 12 points de moins qu’en 2017. Le camp centriste a également perdu plus de la moitié de ses sièges en sept ans. Il ne compte plus que 26 % des députés, contre 61 % en 2017.

Une coalition composée exclusivement du Nouveau Front populaire est-elle possible ?

Non, la répartition des sièges à l’Assemblée nationale est telle qu’une coalition ne pourrait mathématiquement pas perdurer sans le soutien au moins implicite d’une grande partie des députés du bloc macroniste. Cela signifie que le NFP ne pourra pas mettre en œuvre l’intégralité de son programme. Il va donc falloir apprendre à gouverner avec des accords de coalition. C’est une nouveauté dans le système français, puisque le scrutin uninominal à deux tours avait jusqu’à présent favorisé l’émergence de majorités absolues. Mais la tripartition de l’espace électoral a bouleversé l’ancienne opposition entre deux blocs, à gauche et à droite de l’échiquier politique.

Désormais, la survie de la démocratie suppose que des partis de camps différents trouvent un accord, ce qui va nécessiter d’abandonner certaines de leurs propositions et d’accepter certaines propositions de leurs partenaires de coalition. De telles négociations sont courantes chez nos pays voisins. En Allemagne, par exemple, en l’absence de majorité absolue, la norme veut que le parti arrivé en tête aux élections prenne l’initiative de former une coalition. L’action gouvernementale est ensuite définie à partir d’un “contrat de coalition” et encadrée par la tenue régulière d’une “commission de la coalition” qui permet de résoudre les désaccords.

La France est-elle mûre pour ce type de coalition ?

C’est la grande question. Je trouve que l’entre-deux-tours a prouvé que nos acteurs politiques savent agir par sens du devoir. J’ai été agréablement surpris par le très grand nombre de désistements qui ont eu lieu à gauche en faveur de candidats du centre et inversement, de façon à éviter des triangulaires et à faire barrage au Rassemblement national. De même, les consignes de vote ont été plutôt bien respectées par les électeurs de gauche et du centre, dont une part très élevée a accepté de voter pour des candidats d’un camp différent du leur. Il est impératif désormais de parvenir à créer un gouvernement de coalition, car la France a besoin de réformes. Une France mal gouvernée, ce serait un marchepied pour une victoire de l’extrême droite lors des prochaines élections. D’autant qu’aujourd’hui, le RN, de par son nombre très important de députés, va bénéficier de moyens financiers accrus pour former ses cadres. Dans ce contexte, il faut s’attendre à ce que lors des prochaines élections, le RN présente davantage de candidats sans casseroles, capables de répondre aux questions et de débattre…

La question budgétaire avec la construction de la loi de Finances pour 2025 sera l’épreuve du feu du prochain gouvernement. Croyez-vous qu’un accord puisse tenir alors que les pistes avancées par la gauche et le centre étaient diamétralement opposées ?

Il ne pourra pas y avoir de coalition pérenne si les dépenses proposées ne sont pas financées. Il faudra donc proposer des réformes et un programme d’ensemble. Mais je pense qu’un accord autour de certaines dépenses publiques est possible si les recettes en face sont trouvées. C’est là que les économistes ont un rôle à jouer.

Vous parlez de dépenses et de recettes mais jamais d’économies…

Parce qu’un accord de coalition ne pourra pas se construire avec la gauche s’il ne table que sur la baisse des dépenses. Il faudra sans doute réduire certaines dépenses, mais il faudra aussi reparler d’augmentations d’impôts, notamment sur les plus fortunés. Dans le monde, la grande majorité des ajustements budgétaires couronnés de succès durant ces dernières décennies ont combiné réduction ou réorientation des dépenses d’une part, et hausse des prélèvements de l’autre.

Source: Béatrice Mathieu

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