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Pour l’image officielle de sa présidence, Karin Keller-Sutter a fait appel au photographe Arthur Gamsa. Celui-ci a fait une tournée dans tous les cantons pour obtenir une mosaïque inscrivant les gouvernants dans le peuple. Y parvient-il?

L’idée d’une mosaïque s’impose vite, mais il s’agit plutôt d’un pêle-mêle: la nouvelle photo officielle du Conseil fédéral pour 2025 inscrit les sept ministres et leur chancelier dans une myriade de visages. 1052 portraits, est-il précisé, autant de facettes du pays et de sa population.

Le Conseil fédéral 2025. Derrière: le chancelier de la Confédération Viktor Rossi puis Elisabeth Baume-Schneider, Albert Rösti et Beat Jans. Devant: Ignazio Cassis, Karin Keller-Sutter (présidente), Guy Parmelin (vice-président ) et Viola Amherd. — © Chancellerie fédérale/Arthur Gamsa


Le Conseil fédéral 2025. Derrière: le chancelier de la Confédération Viktor Rossi puis Elisabeth Baume-Schneider, Albert Rösti et Beat Jans. Devant: Ignazio Cassis, Karin Keller-Sutter (présidente), Guy Parmelin (vice-président ) et Viola Amherd. — © Chancellerie fédérale/Arthur Gamsa

Présidente pour l’année à venir, Karin Keller-Sutter avait le choix du photographe et du principe. Dans un explicatif assez laconique en comparaison à ses prédécesseurs, qui aimaient broder autour de l’image, elle indique avoir voulu illustrer le fait que «le peuple participe aux décisions démocratiques et décide. Le Conseil fédéral agit dans l’intérêt populaire.»

Un tour de Suisse pour des portraits

Pour inscrire les sages dans la populace, le photographe saint-gallois Arthur Gamsa, qui travaille pour plusieurs journaux alémaniques dont la NZZ et le Tages Anzeiger, a réalisé une tournée nationale. Dans chacun des 26 cantons, il a saisi au moins 40 personnes qui jouaient le jeu. Le tour a dû se faire récemment, à voir les nombreuses personnes emmitonnées sous les grosses vestes, les écharpes et les bonnets. L’artiste explique vouloir souligner ainsi, comme le dit la présidente, le lien entre ce gouvernement collégial et le peuple.

Dès lors, on se prête vite au petit jeu des relevés d’exhaustivité. Parmi les visages les plus visibles, ceux qui ne se fondent pas dans le tout en minuscules parties, on a pour miroir une Suisse avant tout adulte et blanche. Deux personnes de couleur, et surtout – peut-être pour des questions de droits –, aucun enfant, à peine quelques adolescents.

Les sages sont-ils vraiment parmi la populace?

Le postulat est-il tenu, ou le concept visuel finit-il par écraser l’esthétique autant que l’intention de l’image? Les ministres ont-ils vraiment l’air immergés dans leur population chérie? On peut songer à la photo officielle de 2008, où le même principe avait, là, été appliqué de manière littérale: au milieu du peuple. L’œuvre avait été réalisé par Béatrice Devènes et Dominic Büttner sous mandat de Pascal Couchepin.

La photo officielle de 2008. — © Chancellerie fédérale/Béatrice Devènes, Dominic Büttner


La photo officielle de 2008. — © Chancellerie fédérale/Béatrice Devènes, Dominic Büttner

Ici, la fragmentation frontale du pêle-mêle a presque pour effet de faire de ces humbles gouvernants des géants au cœur du petit pays alpestre. Le club des huit (avec le chancelier) se montre bien aligné face au chaos du peuple, lequel tourne d’ailleurs un peu à l’imagerie de bouillie de pixels. Mais au moins avons-nous de vraies gens. Une Suisse kaléidoscope, souriante, emmitouflée.


Les dix précédentes photos officielles

■ 2024: Au-dessous de la montagne

La photo officielle de 2024. — © Chancellerie fédérale/Sina Guntern


La photo officielle de 2024. — © Chancellerie fédérale/Sina Guntern

Pour l’an 2024, Viola Amherd avait fait venir la montagne dans le Palais fédéral. La photo a été prise dans l’aile est du Palais, avec une toile figurant quelques montagnes emblématiques du pays, le Cervin trônant en majesté.

L’œuvre elle-même tient de l’artisanat, la photographe a composé le panneau avec du film, du carton, du bois et du tissu. Dans la présentation, elle indique que «les conseillers fédéraux dirigent l’ensemble du pays depuis le Palais fédéral. C’est pour cela que j’ai voulu faire venir à eux des montagnes de toutes les régions de Suisse.»

Puissant gouvernement pour qui, contrairement à Mahomet dans le proverbe («Si la montagne ne vient pas à Mahomet, Mahomet ira à la montagne»), les montagnes viennent vraiment à lui… Viola Amherd a précisé avoir voulu un «jeu d’ombre et de lumière» qui «illustre des vertus typiquement suisses».

Sous les monts, l’équipe gouvernante marchait résolument – sauf Ignazio Cassis, qui semble un peu raide –, mais pour aller où?

■ 2023: La Cène du Christ Berset, avec des feuilles qui volent

La photo officielle de 2023. — © Chancellerie fédérale/Matthieu Gafsou


La photo officielle de 2023. — © Chancellerie fédérale/Matthieu Gafsou

A la reconsidérer après coup – et donc, après le départ d’Alain Berset –, la photo de 2023 avait vraiment quelque chose de christique, voire testamentaire. Le président de la Confédération, pour la seconde fois, l’avait commandée au photographe vedette Matthieu Gafsou. Résultat, une Cène façon administration fédérale, avec le Jésus fribourgeois à l’écoute des apôtres. Le communiqué indiquait que le photographe «s’est inspiré de la peinture de genre du 17e siècle et de l’école photographique de Düsseldorf». Une école qui prônait une forme d’objectivité et refusait l’idée de la capture de l’instant précis chère à certains photographes fameux, dont Henri Cartier-Bresson.

Autour du président PS s’affairent ses collègues. Presque tous sont tournés en direction du chef, aux exceptions notables de Karin Keller-Sutter et de la camarade socialiste Elisabeth Baume-Schneider. Les feuilles des dossiers volant en tous sens ont marqué les esprits, image de volatilité du monde – ou de celle des décisions du collège?

Notre lecture d’alors: … Et que volent les feuilles…

■ 2022: La variante tchoutchou

La photo officielle 2022. — © Chancellerie fédérale/Stefano Spinelli


La photo officielle 2022. — © Chancellerie fédérale/Stefano Spinelli

Pour la cuvée 2022, l’image officielle montrait le collège debout sur une carte ferroviaire du pays, animée par les principales voies nationales. Sur cet échiquier géographique, chaque conseillère fédérale et conseiller fédéral se situe dans sa région d’origine.

On y relevait le poids du Plateau sur le pays. L’axe sud-ouest – nord-est, qui commence avec Guy Parmelin sur sa Côte vaudoise et bute sur Karin Keller-Sutter à Saint-Gall, fournit la grande majorité des dirigeants fédéraux. Viola Amherd, dans ses montagnes du Haut-Valais, et justement Ignazio Cassis, sous le soleil tessinois, ont l’air un brin isolés sur cette représentation politico-ferroviaire.

Notre analyse hautement géopolitique: La photo 2022 du Conseil fédéral montre le poids géopolitique du Plateau

■ 2021: Le retour au Palais

La photo officielle 2021. — © Chancellerie fédérale/Markus Jegerlehner


La photo officielle 2021. — © Chancellerie fédérale/Markus Jegerlehner

Au seuil de 2021, Guy Parmelin avait imposé un retour aux fondamentaux. Alors que l’année avait été ravagée par le nouveau virus, le Conseil fédéral donnait une photo avec un message sous-jacent: on se retranche dans la vénérable Berne fédérale. Le collège, le Palais fédéral, du sérieux. Pas du jazz comme en 2019. Guy Parmelin avait mandaté le photographe Markus A. Jegerlehner.

L’image avait nécessité l’emploi d’un drone – et donc d’une «autorisation spéciale», avait précisé la Chancellerie. L’essentiel est dans l’angle de vue un peu particulier qu’elle offre sur le Palais des Chambres, note le photographe: «Cette perspective inhabituelle doit inviter à poser un nouveau regard sur un sujet déjà connu», notait-il.

Guy Parmelin arguait qu’«il est important, en ces temps difficiles, que nous portions ensemble un nouveau regard libre de préjugés sur ce qui nous semble immuable».

■ 2020: Le club de jazz

La photo officielle 2020. — © Chancellerie fédérale/Annette Boutellier


La photo officielle 2020. — © Chancellerie fédérale/Annette Boutellier

Pour la photo 2020, les sept Sages avaient posé dans les coulisses d’un club de jazz, sur le mode musical, avec sur un côté un instrument dans un étui qui a alimenté bien des théories.

«Un septuor bien accordé» était la formule mise en avant pour résumer le propos, dû à Simonetta Sommaruga avec les photographes Annette Boutellier et Yoshiko Kusano.

■ 2019: La photo polémique

La photo officielle de 2019. — © Chancellerie fédérale/Des apprentis de l'Office fédéral de l'informatique et de la télécommunication


La photo officielle de 2019. — © Chancellerie fédérale/Des apprentis de l’Office fédéral de l’informatique et de la télécommunication

En vue de 2019, au seuil de la présidence Maurer, le gouvernement s’était montré dans une esthétique rappelant le dessin animé La Linea, avec ces symboles en silhouettes, à plat, mêlant la croix nationale, le Palais fédéral et, bien sûr, la fondue – quoi d’autre? L’originalité de la pose résidait dans le fait qu’elle était réalisée face à des représentants de la population, aux crânes visibles à l’image. Un curieux mélange de rapprochement vers les vraies gens et d’une certaine abstraction.

A ce propos: Sur sa photo officielle, le Conseil fédéral photographie le peuple

Cette photo 2019 a par ailleurs suscité la polémique, car sa réalisation a été attribuée par Ueli Maurer, commanditaire, à des apprentis médiamaticiens, qui devaient travailler avec un téléphone. Protestation des photographes professionnels. Leur association, Photojournalistes suisses, a déploré le fait que l’image 2019 du Conseil fédéral «donne l’impression qu’une photo se réalise par un simple clic-clac avec un smartphone et que ce travail ne vaut pas la peine d’être reconnu». Photographier est «un métier» qui demande de vraies connaissances, du matériel, du temps, de la créativité et de l’expérience, ont-ils souligné.

■ 2018: Le toit du Palais qui saute en l’air

La photo officielle de 2018. — © Chacellerie fédérale/Stéphane Schmutz, Michel Cotting


La photo officielle de 2018. — © Chacellerie fédérale/Stéphane Schmutz, Michel Cotting

Pour l’image 2018, le collège a encore défait les pronostics, cette fois avec de l’animation. En représentation assez classique, chacun son attitude, tous en noir, les ministres se présentaient devant une fresque du pays dont certains éléments étaient vivants, un train sortant d’un tunnel, une télécabine et un sapin qui chante, et même le toit du Palais fédéral qui danse. Quelle folie, à Berne.

A ce sujet: En 2018, le Conseil fédéral s’anime… ou presque

■ 2017: Pop rock

La photo officielle 2017. — © Chancellerie fédérale/Beat Mumenthaler


La photo officielle 2017. — © Chancellerie fédérale/Beat Mumenthaler

Parmi les grands crus récents, on peut citer la session 2017, fomentée alors par Doris Leuthard avec le photographe biennois Beat Mumenthaler. Des têtes comme des pop-up en noir et blanc, un air de cinéma ou de photo de rock, avec encore ces silhouettes en dessous, comme un modeste rappel de la lourdeur de la corporéité face aux esprits supérieurs que sont les sept Sages: la photo a surpris.

■ 2016: Les temps modernes

La photo officielle 2016. — © Chancellerie fédérale/Edouard Rieben, Nina Líška Rieben


La photo officielle 2016. — © Chancellerie fédérale/Edouard Rieben, Nina Líška Rieben

Ambiance de machines, de piston et de turbines en 2016, autour de Johann N. Schneider-Ammann, qui réussissait alors à clamer son amour pour l’industrie et l’économie au sens général. L’entouraient Alain Berset, Didier Burkhalter, Doris Leuthard (qui était vice-présidente), puis Ueli Maurer, Simonetta Sommaruga, Guy Parmelin et le chancelier Walter Thurnherr.

■ 2015: Gaston, y a le téléfon…

L’ambiance de 2015. — © Chancellerie fédérale/Christian Grund, Maurice Haas


L’ambiance de 2015. — © Chancellerie fédérale/Christian Grund, Maurice Haas

Pour l’année 2015, l’image officielle a aussi frappé les esprits des amateurs du genre, avec cette pose mi-animée, mi-figée, et surtout, cet invraisemblable téléphone en bakélite au fond à gauche, d’un âge que même les ministres n’avaient pas connu – ou peu d’entre eux. Dans ce restaurant à fondue, Didier Burkhalter, Johann Schneider-Ammann, Eveline Widmer-Schlumpf, Doris Leuthard, Ueli Maurer, Simonetta Sommaruga, Alain Berset et la chancelière Corina Casanova.

Source: Nicolas Dufour

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