En dissolvant dimanche 9 juin l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron n’a pas seulement “congédié” 577 députés, il a également entériné la clôture de pas moins d’une trentaine de travaux parlementaires. La moitié sont des projets ou des propositions de loi en cours d’examen, qui pourraient en cas de changement de majorité à l’issue des élections législatives, ne jamais voir le jour. L’Express fait le point.

Loi sur la fin de vie

Les plus superstitieux diront de ce texte qu’il est maudit. Après avoir été repoussé sine die des mois durant, le projet de loi sur “l’aide à mourir” était sur le point d’être voté. Euthanasie, ouverture aux directives anticipées, délit d’entrave au suicide assisté… Sa promesse : aller plus loin que la loi Clayes-Leonetti de 2016, qui se borne à autoriser la sédation profonde et continue jusqu’au décès.

Promesse empêchée. Seuls six des 21 articles du texte ont pu être adoptés au cours des deux semaines de débats qui devaient se poursuivre cette semaine à l’Assemblée. Mais Emmanuel Macron en a décidé autrement. Comme pour le reste des travaux parlementaires, l’examen du texte a été stoppé net. Et avec, la réforme sociétale censée couronner son deuxième mandat.

Alors, on peut toujours se dire que le quinquennat n’est pas terminé, que les travaux pourront reprendre après le 7 juillet. À moins que les Français ne confient à Jordan Bardella les clefs de Matignon. Car le Rassemblement national a déjà fait savoir qu’il ne reprendrait pas le texte s’il arrivait au pouvoir. Auquel cas, on pourrait l’assurer définitivement : le projet de loi sur la fin de vie est bien maudit.

La réforme électorale sur la Nouvelle-Calédonie

Après avoir survécu au Sénat, à l’Assemblée nationale, et à plus d’un mois d’émeutes et de violences urbaines qui ont fait huit morts, on la pensait indéboulonnable. Et pourtant, la réforme électorale sur la Nouvelle-Calédonie, qui prévoyait d’élargir le corps électoral kanak, n’a pas survécu à la déflagration provoquée par la dissolution.

Empêtré dans une crise institutionnelle qu’il a lui-même même provoquée, Emmanuel Macron en a acté la suspension ce mercredi au pavillon Cambon Capucines, à Paris, devant la presse. “On ne peut pas laisser d’ambiguïté dans la période. Il faut le suspendre pour laisser toute sa force au dialogue sur place et au retour à l’ordre”, a-t-il appuyé le ton grave.

Loi pour la gouvernance de l’audiovisuel public

Tombe à l’eau également le projet de fusion de l’audiovisuel public. Défendue bec et ongles par Rachida Dati, la super holding “France Média” devait devenir la nouvelle maison de pas moins de quatre filiales : France Télévision, Radio France, France Médias Monde (RFI et France 24) et l’INA. “Le retour de l’ORTF”, grognaient les opposants à la réforme.

Et la ministre de la Culture de répondre avec l’aplomb qu’on lui connaît : “l’ORTF, pardon, je vais peut-être vous choquer, mais ça permettait quoi ? Quand vous avez un parent ouvrier qui a regardé ’Les Dossiers de l’écran’ et que le lendemain, il pouvait parler dans son usine avec son chef du ’Dossier de l’écran’ parce qu’il l’avait regardé, vous ne croyez pas que c’est très fort d’avoir une culture commune ? “.

Gare toutefois à ne pas se réjouir trop vite : l’un des cadres du RN Sébastien Chenu a confirmé lundi à l’antenne de BFM TV souhaiter orchestrer “rapidement” la privatisation de l’audiovisuel public en cas de victoire du Rassemblement national aux législatives anticipées. De quoi faire regretter aux détracteurs de “France Médias” Rachida Dati et son “ORTF”…

Réforme de l’assurance chômage

Et quid de la réforme de l’assurance chômage qui promet de durcir les conditions d’accès à l’indemnité ? Quasiment prête à l’emploi, elle s’apprêtait à être mise en place le 1er juillet prochain. Mais ça, c’était avant qu’Emmanuel Macron ne sorte la carte de la dissolution.

Ainsi le président de la République a-t-il éludé mercredi : “Ça doit se reprendre. Après, est-ce que ça doit passer par l’Assemblée ? Est-ce que ça doit passer par un décret ? On le verra le lendemain” du scrutin. En filigrane, il y a un temps pour tout. Et jusqu’au 7 juillet, c’est le “temps électoral” qui gouverne, a fait comprendre le maître des horloges.

Quelle ne fut donc pas la surprise, lorsque Gabriel Attal annonça ce jeudi matin la gestation d’un décret qui réduirait la durée d’indemnisation à 15 mois pour les chômeurs de moins de 57 ans (contre 18 mois pour les moins de 53 ans aujourd’hui). Et dont l’exécutif devrait accoucher “d’ici au 1er juillet”. Juste le temps qu’il soit examiné par le Conseil d’Etat…

Le statut d’autonomie de la Corse

Certainement un des textes les plus sensibles avec la réforme du corps électoral en Nouvelle-Calédonie, tant un seul faux pas suffirait à embraser les indépendantistes corses. Jusqu’ici, tout allait bien. Le projet de réforme constitutionnelle prévoyant “un statut d’autonomie au sein de la République” de l’île de Beauté avait été adopté fin mars par l’Assemblée consulaire sans grande difficulté.

Problème, si Jordan Bardella signe un bail à Matignon à l’issue du scrutin du 7 juillet, le texte, qui doit encore passer entre les mains des députés et des sénateurs, pourrait bien être avorté. Jusqu’à présent, la droite sénatoriale et l’extrême droite, ont fait montre de leur frilosité à l’égard de cette réforme constitutionnelle. Laissant ainsi peu de chance au texte de survivre. Et Gérald Darmanin de voir des mois d’âpres négociations partir en fumée.

Et les autres :

La proposition de loi sur les logements abordables qui prévoyait l’augmentation de la production de logements intermédiaires, la simplification des procédures administratives, ou encore l’élargissement des compétences des élus locaux.

La proposition de loi transpartisane sur les meublés touristiques qui prévoyait l’encadrement des locations de tourisme type Airbnb au profit du logement permanent

La proposition de loi sur les PFAS pour interdire la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché des polluants éternels d’ici à 2026 dans certains produits (cosmétiques, farts, vêtements, chaussures…)

Le projet de loi d’orientation agricole qui prévoyait notamment la simplification de la réglementation, mais également la création d’un programme national d’orientation et de découverte des métiers agricoles pour inciter les jeunes à s’engager dans la filière

Le projet de loi sur la simplification de la vie économique destiné à mettre en place une trentaine de mesures de simplification pour le fonctionnement des entreprises : réduction des démarches administratives, redéfinition de la relation entre l’administration et l’entreprise…

La proposition de loi contre la “fast fashion” destinée à réduire la pollution issue de l’industrie du textile en créant un malus écologique et en interdisant la publicité.

La proposition de loi organique de financement de l’audiovisuel public visant à définir un nouveau mode de financement des entités de l’audiovisuel public

La proposition de loi sur l’intervention des cabinets de conseil dans les politiques publiques qui prévoyait une plus grande transparence et un meilleur encadrement de cette pratique

Le projet de loi sur le verdissement des flottes automobiles dont l’objectif est d’atteindre 90 % du parc automobile “à très faibles émissions” à l’horizon 2032

La proposition de loi sur les frais bancaires liés à une succession qui prévoit en autres la gratuité des frais de successions pour les comptes disposant d’un montant inférieur à 5 000 euros. Le texte a été voté à l’unanimité par les deux chambres en première lecture.

La proposition de loi sur le financement des entreprises de défense françaises qui prévoyait de flécher une partie des Livret A et des livrets de développement durable et solidaire vers le financement des entreprises françaises de défense.

Source: Ambre Xerri

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