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  7. Dette : ces innovations québécoises...

Le budget 2025 vire au cauchemar pour deux raisons. La première est d’ordre calendaire. Il doit en théorie être présenté au public dans un mois. Certes, Matignon et Bercy y travaillent, mais on se demande comment vont se passer les interactions entre les cabinets sortants, l’administration et le nouveau gouvernement.

La deuxième difficulté est d’ordre financier. Vu le dérapage des comptes de l’Etat en 2024 et, probablement, de ceux de la Sécurité sociale, ramener le déficit total à un étiage proche de 4 % du PIB l’année prochaine semble impossible. On sera plus près de 5 % alors même que le spread [NDLR : l’écart] de taux à dix ans avec l’Allemagne tourne autour de 70 points de base – contre 50 points en temps normal – et que le spread avec le Portugal est devenu positif. Autrement dit, les marchés ont encore plutôt confiance en la France mais la placent clairement sous surveillance.

Admettons toutefois, que le gouvernement réussisse à bâtir et à faire voter un budget 2025 sérieux et crédible. Le répit serait en réalité de courte durée, car le mal est profond. La rigueur budgétaire par coupes dans les dépenses ou par prélèvements dits “exceptionnels”, sans changer le fonctionnement de la sphère publique, ne suffit pas à réduire les déficits et la dette à long terme. L’un des principaux défis pour notre pays consiste donc à rendre son secteur public plus productif, c’est-à-dire à faire en sorte que la quantité et la qualité de ses services, et donc sa contribution à l’économie, progressent plus vite que son coût.

Une cible d’équilibre budgétaire

La Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, le Portugal ont réussi à relever un défi similaire ces trente dernières années. Un exemple moins connu est celui du Québec, qui ne s’identifie pas totalement à celui du Canada. Ce pays immense est très décentralisé, et le Québec dispose d’une large autonomie financière. Sa loi budgétaire l’oblige à viser un équilibre budgétaire structurel – la cible actuelle pour retrouver l’équilibre est la fin de cette décennie.

Certes, depuis les années 1990, l’Etat fédéral a lui-même réalisé des efforts significatifs pour améliorer la productivité de ses services publics. Les politiques publiques font l’objet d’objectifs précis, les responsabilités des agents sont définies et les résultats mesurés, la satisfaction des contribuables est quantifiée, les fonctionnaires sont autonomes et évalués. Autant de réflexes qui font défaut en France. Notre sphère publique est développée, notre Etat est le plus protecteur au monde, les prélèvements obligatoires sont particulièrement lourds. La contrepartie devrait être que chaque euro dépensé fasse l’objet d’un traçage et d’une surveillance.

Un fonds dédié au remboursement de la dette

Mais le Québec va encore plus loin que le Canada, avec deux dispositifs dont pourrait s’inspirer la France. La première de ces innovations est le “fonds des générations”, créé en 2006. Il est affecté au remboursement de la dette. Alimenté par des taxes sur l’énergie, par une partie des surplus budgétaires quand il y en a et par le rendement de ses propres investissements, il donne l’assurance au Québec et à ses créanciers qu’il existe un mécanisme sanctuarisé qui rembourse la dette et allège la charge financière future.

La Sécurité sociale française dispose certes depuis 1996 d’un outil, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, qui poursuit le même objectif. Mais celle-ci est alimentée par des prélèvements sociaux et par l’emprunt, et sa durée de vie devait être limitée (certes, elle est sans cesse prolongée). A l’inverse, le fonds de génération est pérenne et assure en grande partie son développement par la rentabilité de ses investissements. La création d’un tel fonds en France permettrait de contraindre notre politique budgétaire avec le souci du remboursement de la dette, et de rassurer nos créanciers.

Le second dispositif québécois est le “vérificateur général des finances publiques”, avec un accent placé sur la pédagogie et la transparence, là où les rapports de la Cour des comptes sont longs et procèdent d’une logique comptable et juridique. Le “vérificateur” français serait chargé, sur demande du Parlement et des citoyens, d’auditer les comptes publics et les politiques qui engagent de l’argent public et ce, à n’importe quel moment. Cette innovation améliorerait l’efficacité de nos politiques publiques, leur transparence et la reddition des comptes. Ces dispositifs à la québécoise pourraient même faire consensus.

Source: Nicolas Bouzou

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