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Aux Jeux olympiques, c’est le métal que l’on décroche si tout va bien. Sur les marchés, il est prisé… quand tout va mal. Léon Marchand, Teddy Riner et Pauline Ferrand-Prévot, eux, peuvent avoir le sourire. Les 6 grammes d’or plaqués sur leurs médailles olympiques – par ailleurs faites d’argent – n’ont jamais valu si cher. L’once, mesure de référence équivalant à 31 grammes, a battu un nouveau record ce lundi 19 août et dépasse maintenant les 2 500 dollars. Elle pesait moins de 2 000 dollars il y a un an. Sombre présage ?

Habituellement, le prix de l’or a deux ressorts. Un dollar faible, qui pousse les investisseurs à chercher un autre actif refuge pour protéger leurs portefeuilles financiers. Et des taux d’intérêt réels – c’est-à-dire hors inflation – bas, que l’on observe quand l’économie patine. Le lingot n’apporte pas de rendement à son détenteur. Point de dividende, comme une action. Ni de coupon, comme une obligation. Encore moins de loyer, comme un bien immobilier. Rien. Tout ce que l’investisseur peut espérer, c’est que sa valeur monte. Ou du moins qu’elle ne baisse pas dans les périodes de crise, quand tous les autres actifs financiers chutent. On lui attribue une vertu de “diversification” : plutôt que de mettre tous vos œufs dans le même panier, nichez-en un ou deux dans la catégorie “or”.

Le prix de l'or a presque triplé depuis la crise financière de 2008.
Le prix de l’or a presque triplé depuis la crise financière de 2008.

Une fièvre insolite

Pourtant, ces derniers temps, la boussole semble détraquée. Le dollar est fort, les taux sont élevés… Et le cours du métal jaune monte malgré tout. Il faut donc chercher les raisons de la fièvre ailleurs que dans les facteurs traditionnels. Dans le monde entier, à vrai dire : de la Chine au Kazakhstan, en passant par la Turquie et l’Irak… Ce sont les banques centrales de ces pays qui, par leurs achats d’or, participent à la hausse du cours de l’once. “Depuis 2022, surtout, avec plus de 1 000 tonnes acquises chaque année, des volumes record, sur une demande annuelle totale dans le monde de 4 500 à 5 000 tonnes”, souligne l’expert en matières premières Florent Pelé, de Société générale CIB. Les banques centrales ont donc représenté plus de 20 % de la demande, également tirée par la bijouterie, les produits d’investissement, les pièces et lingots…

A première vue, les pays émergents sont les plus actifs, les réserves des économies développées étant historiquement bien pourvues. Un héritage de l’époque de l’étalon-or, lorsque les grandes monnaies étaient convertibles en or auprès de la banque centrale émettrice. Depuis les années 1970, le métal jaune a perdu sa valeur monétaire et les pays développés n’ont pas de raison de se renforcer. La Banque de France, par exemple, et ses quelque 2 437 tonnes d’or entreposées à 27 mètres sous terre au cœur de Paris, affirme ne pas avoir l’intention, “dans les années qui viennent”, de faire varier ce stock, à la hausse ou à la baisse. A l’inverse, près de 40 % des banques centrales des pays émergents envisagent d’accroître la part de leurs réserves en or dans les douze prochains mois.

Les coffres-forts occidentaux restent les mieux pourvus.
Les coffres-forts occidentaux restent les mieux pourvus.

Défiance à l’égard du système financier

Pour comprendre ce phénomène, Florent Pelé est allé plus loin dans l’analyse, en passant les chiffres au peigne de trois critères : la richesse du pays – PIB par habitant évalué par la Banque mondiale –, le degré de liberté – mesuré par l’Atlantic Council – et l’existence ou non d’une alliance militaire avec les Etats-Unis. C’est sur la base de ces deux derniers indicateurs que les résultats sont les plus parlants. “Depuis 2008 et la crise financière, les pays classés comme non libres ont acheté 2,4 fois plus d’or que les autres pays. Et ceux qui n’ont pas d’alliance militaire avec les Etats-Unis, 4,2 fois plus, a calculé le spécialiste. Ces Etats ont le souci de réduire leur exposition au dollar, par défiance à l’égard du système financier mondial.” Contrairement à un produit de dette, l’or a l’avantage de ne pas présenter de risque de crédit : aucun défaut d’un partenaire ne réduira sa valeur à néant.

Au-delà des motivations économiques, et du rôle de valeur refuge que l’on associe à ce précieux métal en cas de crise, la dimension géopolitique joue donc un rôle grandissant, renforcé par les sanctions financières infligées par les Etats-Unis à leurs adversaires politiques. “Sur les quinze dernières années, les trois plus gros acheteurs d’or sont la Russie, la Chine et la Turquie. Des pays qui tous ont subi ou risquent de subir des sanctions, pointe Daniel McDowell, professeur de sciences politiques à l’université de Syracuse (Etat de New York). Les achats russes, par exemple, s’étaient significativement accélérés après l’annexion de la Crimée en 2014 et les sanctions qui avaient suivi.”

Contrairement à des comptes bancaires en dollars, l’or a cet atout maître : c’est un actif réel, physique, que l’on peut conserver sur son territoire. Hors de portée des autorités américaines en cas de saisie. Un tel trésor peut se révéler utile quand la situation économique du pays devient critique. Certains ont ainsi pu utiliser leurs lingots pour “survivre aux sanctions”, relate l’universitaire, à l’image de Nicolas Maduro, acculé financièrement : “Avec l’aide de la Russie, le Venezuela a envoyé par avion de l’or à l’Iran, à l’Ouganda et aux Emirats arabes unis en échange d’espèces en euros.”

A cette tendance de fond de la dédollarisation, renforcée depuis la guerre en Ukraine, viennent s’ajouter, dernièrement, des éléments plus conjoncturels. En mars et avril dernier, les équipes de recherche de la Société générale ont repéré des mouvements inhabituels lorsque le cours de l’once s’est emballé à la hausse de 17 % en quelques semaines sans que la variation des taux américains ni les transactions des banques centrales ne justifient un tel “rally”. Ils en ont identifié la cause : les investisseurs chinois, particuliers comme professionnels, cherchaient des parades aux vents mauvais soufflant sur leur économie. Contrôle des capitaux empêchant d’investir à l’étranger, crise de l’immobilier, chute des marchés actions, taux d’intérêt au plancher… L’or, traditionnellement très apprécié en Chine, s’est imposé comme un placement alternatif de choix.

Russie, Chine et Turquie : le tiercé des plus gros acheteurs.
Russie, Chine et Turquie : le tiercé des plus gros acheteurs.

Quand Trump provoque des achats d’or

Aux Etats-Unis aussi, les flux d’investissement en or sont influencés par des événements domestiques, sur fond de dégradation préoccupante des finances publiques. A un horizon de trente ans, la dette américaine pourrait représenter 166 % du PIB, contre un peu moins de 100 % estimé à la fin de 2024. A ce titre, la politique du vainqueur du scrutin présidentiel de novembre se révélera cruciale, les investisseurs en ont bien conscience. “Nous observons une corrélation entre les positions acheteuses des investisseurs et la probabilité d’une victoire de Donald Trump”, note Florent Pelé. Selon le rapport hebdomadaire de l’agence fédérale Commodity Futures Trading Commission (CFTC), elles avaient augmenté dans la foulée de la tentative d’assassinat du candidat républicain en juillet, épisode qui lui avait profité dans les sondages. A l’inverse, quand Joe Biden a laissé sa place à Kamala Harris, relançant alors, selon les sondages, les chances du camp démocrate, ces positions ont été pour partie liquidées. Un nouveau mandat de Trump serait donc plus risqué que l’élection de l’actuelle vice-présidente ?

De toute évidence, les opérateurs avertis ont écouté attentivement les programmes respectifs des deux partis. Ils en concluent qu’un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche serait synonyme d’une envolée de la dette publique encore plus rapide que la tendance actuelle. “La raison majeure est que les baisses d’impôts instaurées par son administration en 2017 ont vocation à prendre fin l’année prochaine. Et elles ont davantage de chances d’être reconduites s’il est réélu”, explique Florent Pelé. Sans compter que la politique étrangère de Washington est aussi susceptible de jouer sur le cours du métal. La première puissance militaire mondiale n’a pas droit au moindre faux pas. Si la paix recule, l’or monte. Un nouveau paramètre auquel les investisseurs vont devoir s’habituer.

Source: Muriel Breiman

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